samedi 10 mars 2018

La chimère du Vieux Sud

Décidément, les 504 américaines, que je pensais abonnées aux côtes Est et Ouest, censées être plus sensibles aux charmes des "imports" dans les années 1970, ont aussi trouvé dans le Vieux Sud une terre d'accueil. Comme il y a un an avec un break d'anthologie, une 504 est en effet à vendre ces jours-ci au Tennessee. Repérée sur le site Craigslist par les amateurs de voitures françaises aux Etats-Unis, cette 504 a tout de la chimère, cet assemblage de différents animaux. Carpe et lapin? Pas tout à fait, car les pièces semblent d'origine Peugeot.

Un propriétaire de 504 diesel a de toute évidence essayé de remédier à l'un de ses défauts les plus criants: son manque de puissance, et a greffé un turbocompresseur sur l'Indénor d'origine. Et voici une 504 turbo-diesel, un modèle que le Lion n'a jamais proposé. Il y a bien eu des 604 TD dès 1979 puis des 505 ainsi gonflées à l'escargot magique, mais la 504 est elle restée atmosphérique. En passant, une telle modification s'avèrerait difficile en Europe, où une nouvelle homologation serait obligatoire, mais aux Etats-Unis où rien n'empêcherait réglementairement de glisser un V8 dans une brave familiale sochalienne, ce ne sont pas quelques chevaux de plus qui vont ébouriffer le service des immatriculations.
Quelle puissance, du reste? En 2,3 litres, l'Indénor est donné pour 70 chevaux, montant à 80 pour la version turbo XD2S des 604. Ici, la caisse est plus légère, et surtout, un échangeur air-air (photo) a également été installé, ce qui doit donner encore davantage de peps à la mécanique. La boîte automatique 3HP22 de chez ZF peut encaisser ce genre de puissance et de couple, puisqu'elle équipait aussi en son temps des BMW série 7 à 6 cylindres. Mais je me pose des questions sur la vitesse de pointe de l'engin ainsi vitaminé: le rapport final de série met la zone de confort autour de 105/110 km/h, pas beaucoup plus, et le turbo ne va pas faire diminuer les décibels.
Après, se pose aussi le débat sur l'aspect de la voiture, qui n'est pas non plus d'origine. En premier lieu les phares, adaptés d'une version européenne et qui paraissent d'ailleurs mal ajustés, donnant à cette 504 un "regard" exorbité. Quant aux jantes, les mêmes que celles de la 504 qui dort dans mon garage, elles n'ont jamais été montées de série sur la berline, rappelons-le.
Et subsiste enfin la grande question du prix: à 7 900 dollars, une voiture modifiée, exotique et perdue à Huntsville, au sud de Nashville, va-t-elle trouver preneur? D'autant plus que certains défauts sont visibles sur les photos, du siège conducteur éventré à l'antenne radio manquante en passant par un essuie-glace trop grand.

En ligne, mais à plat

Entre le travail et des vacances bien remplies, sans parler d'un hiver particulièrement pourri-pluvieux, synonyme de nombreux week-ends calfeutrés, la 504 américaine est restée sous sa housse depuis plusieurs mois. Et là, c'est le drame: quand j'ai essayé de la redémarrer, la voiture n'a rien voulu savoir. Les feux et les essuie-glaces fonctionnaient encore, mais apparemment la batterie n'avait plus assez de jus pour encourager le démarreur à lutter contre la grosse compression de l'Indénor. Une visite chez le garagiste voisin l'a confirmé: le lourd accumulateur n'était plus qu'à 40% de sa puissance. Trois jours de stage plus tard, le taux est monté à 70% et cela devrait être suffisant. Le suspense reste entier car il va d'abord falloir remonter la batterie dans cette jungle de câbles et de durits qui règne sous le capot.

dimanche 4 mars 2018

Diesel: mieux vantard que jamais

Puisque l'on parle d'anniversaires, admirez l'argumentation que développait Peugeot en 1978 pour convaincre les Américains de faire confiance aux produits de la marque, en particulier leurs moteurs diesel. Le contexte était celui de l'après-choc pétrolier de 1973 qui, combiné aux normes anti-pollution bien plus sévères décrétées dès la fin des années 1960, avait sonné le glas des moteurs colossaux (jusqu'à 8,2 litres de cylindrée pour le V8 Cadillac!) et mis la frugalité au goût du jour aux Etats-Unis. Même si leur diffusion était confidentielle, des Mercedes W123 diesel, homologuées pour des consommations bien plus basses que celles des berlines yankees de l'époque, se remarquaient de plus en plus sur les routes, dont les californiennes. Avec leur meilleur rendement, l'idée de groupes "mazout" avait aussi commencé à séduire Detroit. En 1978 justement, le puissant General Motors sortait ses premiers diesel sous les capots de Buick, Oldsmobile, Chevrolet... et Cadillac: un V8 de 5,7 litres développant 120 chevaux. Au passage, un rendement au litre deux fois plus faible que la Benz 300 D...

Autant dire que les roues arrière ne fumaient pas au démarrage, d'autant plus qu'elles étaient attachées à une lourde berline américaine de deux tonnes! Autre "péché mortel", selon la terminologie de l'excellent blog américain Curbside Classic qui disserte de longue date et de façon experte sur les errements de Detroit au pays enchanté des bougies de préchauffage et de l'huile lourde, le fait que le moteur diesel GM n'ait été qu'une adaptation "à l'arrache" d'un V8 essence. Les ingénieurs de Grosse Pointe (Michigan) n'avaient apparemment pas pris en compte quelques impératifs de conception pour ces moteurs à forte compression, comme des blocs et parties mobiles renforcés.
Dans sa littérature commerciale des "seventies", Peugeot semblait donc prescient: "nous ne construirons jamais un diesel (...) qui serait simplement un moteur essence converti au gazole". De fait, les V8 puis V6 diesel de GM se transformèrent rapidement en calamités de moins en moins ambulantes. La bronca des clients puis la chute des prix du brut au milieu des années 1980 menèrent le n°1 américain à jeter l'éponge dans sa conquête don-quichottienne des "mazout". Non sans avoir au passage durablement dégoûté les enfants de l'Oncle Sam de ce carburant. Avant que Vokswagen essaie, 30 ans plus tard, de leur vendre des diesel autrement plus performants, mais finalement pas moins polluants. Ceci est une autre histoire, qui nous éloigne beaucoup de la 504. Non que Peugeot, il y a 40 ans, n'ait pas pris quelques libertés avec la vérité.

Certes, après des expérimentations dès les années 1920, le premier diesel de tourisme au Lion, une adaptation d'un moteur d'utilitaire déjà doté d'une cylindrée de 2,3 litres (tiens, tiens, comme l'Indénor XD2 de notre 504 préférée), avait été monté sur une 402 en 1938. Ironie de l'histoire, le "fuseau Sochaux" apparu en 1935 empruntait beaucoup à la production américaine profilée de l'époque. Pour en revenir au diesel d'avant-guerre,  la 402 D n'a jamais été diffusée, victime du grand souffle de l'Histoire. Il a fallu attendre 1959 et la 403 pour que le diesel s'installe dans une Peugeot. Le reste, succès des diesel en Europe lors des années 1980 et 1990, questionnement puis débâcle au début de la décennie 2010, n'était pas écrit dans les astres pour la marque sochalienne qui, il y a quatre décennies, parlait bien du moteur à gazole, même entre guillemets, comme du "moteur de l'avenir".

vendredi 2 février 2018

Eléphant blanc

On trouve de loin en loin quelques Peugeot 504 dans les annonces américaines, mais ces dernières deviennent rares. Cette semaine pourtant, une Peugeot en provenance directe du Texas s'est faite remarquer. Carrosserie immaculée, rare modèle essence et manuel, intérieur quasiment comme neuf... L'enchère sur eBay est montée à près de 5.000 dollars mais ce n'était apparemment pas suffisant pour atteindre la réserve. On verra bien si la deuxième tentative est la bonne, en tout cas je ne résiste pas à l'envie de vous mettre quelques photos.





2018, la 504 quinqua

Pour tous les amateurs de 504, l'année 2018 va revêtir une signification particulière. Cela fera en effet 50 ans en septembre que la robuste berline sochalienne a pointé le bout de son capot au salon de Paris. Sa présentation, initialement prévue en mai, avait été bousculée par la révolte étudiante et surtout la grève générale, mais c'est une autre histoire que la bourgeoise franc-comtoise a ensuite écrit. En près de 40 ans de production (1968-2005), en France puis au delà, de la Chine à l'Argentine en passant par la Thaïlande et le Kenya, elle reste encore aujourd'hui l'une des Peugeot les plus vendues. Et témoin de sa robustesse et d'une cote de sympathie qui ne cesse de grimper, des dizaines de milliers de 504 roulent toujours sur toutes les routes du monde. En France, elles se font un peu plus rares dans les annonces et sur le bord des routes, tandis que les prix commencent à grimper même au delà des chouchous des collectionneurs que sont les modèles coupé et cabriolet.
Il y a évidemment un monde entre la gracile fille de la 404, sans accastillage ni fioritures, exposée aux regards des journalistes aux premières heures du "Salon 1968" et sa lointaine descendance américaine, millésime 1979, dont ce blog traite, alourdie de pare-chocs brutaux et autres protections hasardeuses imposées par la réglementation fédérale. Mais la ligne générale ne change pas et rend la 504 reconnaissable du premier coup d'oeil. Je peux en témoigner, le modèle attire beaucoup de sympathie.
Le plus bel hommage que l'on puisse rendre aux ingénieurs, stylistes et ouvriers de Pininfarina et Peugeot d'il y a 50 ans reste encore de rouler dans leurs créations et de ramener les admirateurs et curieux des années en arrière, entre choc esthétique, picotements de fumée de gasoil garantie sans filtre à particules et grincements des ressorts de sièges en skaï pleine fleur. Bonne route aux 504istes en 2018, et tant qu'il sera possible de le faire encore, dans les années qui suivront. Pour commencer, rendez-vous à Rétromobile, le salon de la voiture ancienne, qui va fêter à la jeune quinquagénaire de la marque au lion du 6 au 11 février au Parc des Expositions de la porte de Versailles à Paris.